Une possible gestion commune de l'eau à Djenné?
Le dernier chapitre de nos histoires WPS au Mali nous emmène dans la commune de Djenné, au sud de Mopti, qui est confrontée aux mêmes défis que les autres communes qui longent le Delta : le tarissement des mares, fleuves et puits, est dû à la sécheresse et à la désertification de la région et les autorités publiques peinent à ralentir ces dégâts qui enveniment les relations entre les différentes communautés. C’est pourquoi à Djenné, le Forum WPS a aussi été établi pour mettre en œuvre des dialogues de résolution de conflits et d’engagement communautaire en abordant les conflits liés à l’utilisation des ressources en eau, en travaillant au renforcement des capacités des acteurs locaux et en promouvant le dialogue et la coopération entre les parties prenantes.
Moctar Touré travaille dans la fonction publique et est chargé de la sensibilisation des producteurs pour une gestion durable de l’eau, de l’irrigation et de l’abreuvement en adoptant un système de culture consommant peu d’eau. Il explique que la surexploitation des ressources naturelles dans le Delta Intérieur nuit aux écosystèmes qui sont également les moyens de subsistance des populations locales.
Il affirme tout de même que les autorités locales, avec l’aide de partenaires, ont pris connaissance de l’ampleur du problème et commencent à travailler sur le développement et le renforcement de comités de gestion de l’eau.
L’évaluation des ressources en eau est une condition préalable et indispensable au développement durable et à une gestion rationnelle de l’eau. Elle est capitale pour la planification, la conception, la construction, l’exploitation et l’entretien des systèmes d’irrigation et de drainage.
Moctar Touré
Konssissi Tientato vit aussi à Djenné et est propriétaire d’une marre de pêche. Son travail quotidien tourne autour de l’eau et explique qu’au fil des années, il a été témoin du tarissement du fleuve Niger, dont les conséquences directes sont l’assèchement de sa marre pêche et la diminution du nombre de poissons.
Avant, nous pouvions pêcher durant plus de 4 mois par an, maintenant cette période s’est réduite à 2 mois seulement.
Konssissi Tientato
Bien que les habitants de Djenné aient conscience du stress environnemental et de la rareté des ressources en eau, Konssissi explique que le défi majeur vient de la gestion de ce stress qui cause de multiples conflits au sein de la commune et des différents acteurs locaux. Le Barrage Pondorie en est le parfait exemple : situé à l’entrée de la ville, chaque année, les pécheurs, agriculteurs et éleveurs se querellent pour la gestion du barrage selon leurs besoins. Car lorsque les pêcheurs ont besoin d’eau pour leur activité, les agriculteurs quant à eux ont besoin d’une terre sèche pour préparer les champs avec les semences, et les éleveurs ont besoin de nourrir leur bétail.
A Djenné, le Forum WPS a organisé des réunions mensuelles pour rassembler les acteurs locaux de la gestion de l’eau. Ils ont pu échanger sur la meilleure manière de résoudre les conflits entre eux. Cela a mené à une réduction des tensions entre acteurs locaux liés à la gestion des barrages et des conflits entre pêcheurs, agriculteurs et éleveurs à travers la création d’une piste pastorale. Et nombreuses ont été les organisations de la société civile locale, comme la Coordination des Associations Féminines et Organisations (CAFO), à applaudir et rejoindre le WPS Forum.
Selon Moctar, Konssissi et les autres acteurs locaux impliqués dans le Forum WPS, il reste important de mettre en place des solutions concrètes pour les habitants de la région en élaborant une Convention de Gestion Naturelle des ressources en eau, en homologuant et en mettant en œuvre des conventions pour les pêcheurs et en diffusant largement les textes de loi sur la gestion de l’eau. Les litiges terriens peuvent aussi être diminués grâce au renforcement des capacités de la Commissions Foncière et des cadres de concertation et de contrôle du respect des textes et lois en vigueur sont maintenant régulièrement organisés.
Se pencher sur les efforts mis en œuvre par WPS et les acteurs locaux des villes de Konna, Mopti et Djenné a permis de mettre en lumière des techniques de résilience et d’adaptation au changement climatique considérées jusque-là comme traditionnelles et désuètes. Et le cheminement parcouru par les acteurs locaux de ces communes nous prouve aujourd’hui qu’une gestion durable de l’eau est possible grâce au dialogue, à la coopération et à la restauration de techniques ancestrales de pêche, d’élevage et d’agriculture.