A Konna, l’eau comme source de vie et de conflits

Le Delta Intérieur du Niger, situé dans la zone sahélienne semi-aride à la croisée des chemins entre le sud tropicale-savane et le nord saharien du Mali, est l’une des zones les plus touchées par les conflits liés aux ressources naturelles.

Vue aérienne du Delta Intérieur du Niger dans les alentours de Konna, Mali. Photo : Ousmane Makaveli Traoré/ International Alert

Les moyens de subsistance dans le Delta Intérieur du Niger sont déterminés par le rythme des pluies saisonnières, la marée du Fleuve Niger et les rotations des mouvements de troupeaux. La variation des précipitations, la hausse des températures et la croissance de la population renforcent la pression sur le système dysfonctionnel de gouvernance de l’eau et de la terre. C’est dans ce contexte que se disputent les pêcheurs, agriculteurs et éleveurs pour l’accès à l’eau et aux pâturages et a donné lieu à des conflits entre et au sein des communautés et avec l’administration locale. 

Carte du Delta Intérieur du Niger, Mali
Carte du Delta Intérieur du Niger ©International Alert

Dans le Delta Intérieur du Niger, l’exploitation des ressources naturelles est fondée sur la coexistence de trois systèmes de productions : 

  • Le pastoralisme caractérisé par un système de transhumance saisonnier dans la zone inondée du Delta.
  • Un système agricole incluant à la fois les cultures sèches telles que les céréales mil et sorgho et la culture du riz.
  • Un système de pêche traditionnel pratiqué tout au long de l’année. 

International Alert, comme membre du consortium Water, Peace and Security (WPS), s’est entretenue avec des habitants de la région pour comprendre leurs problématiques actuelles atour du gestion des ressources naturelles. L’histoire à impact qui suit regroupe les témoignages de représentants de différentes communautés, les pêcheurs, agriculteurs et éleveurs du Delta Intérieur du Niger. Ici, ils partagent leurs expériences et leurs points de vue et discutent des conséquences du changement climatique, de l’impact de barrages sur le niveau de l’eau, de leurs moyens de subsistance, de la concurrence pour l’espace et les ressources mais également les solutions qu’ils souhaitent voir être mises en action par le gouvernement et les acteurs publics locaux.

Ely Cissouma, Chargé de Projets chez International Alert Mali
Ely Cissouma, Chargé de Projets chez International Alert Mali. Photo : Ousmane Makaveli Traoré/ International Alert

Ousmane Coulibaly vit à Konna dans la région de Mopti. Après des études en agronomie, il intègre la fonction publique et est affecté au poste de Chef Sous-Secteur Agriculture de Konna. Également membre du forum Water, Peace and Security, Ousmane conseille les producteurs et agriculteurs sur les pratiques durables de production agricole, sur les techniques innovantes d’adaptation au changement climatique et sur les méthodologies de collecte des données statistiques. Son objectif est de rendre les pratiques de renouvellement de l’eau plus accessibles à la population locale. 

Nous n’avons pas les ressources suffisantes pour nous adapter aux stress environnementaux, de nos jours, il est indispensable de préparer les communautés aux pratiques et techniques durables de la pêche, de l’agriculture et de l’élevage pour mieux s’adapter afin de sauver l’humanité.

Ousmane Coulibaly, Chef Sous-Secteur Agriculture de Konna

A Konna, la disponibilité de l’eau n’a cessé de baisser aux cours des quinze dernières années. Et cela a fortement affecté les mares et fleuves. Le manque de pluie a également causé une diminution des poissons et le tarissement du Delta du Niger a négativement impacté l’activité de riziculture.

Un bateau Pinasse échoué au milieu du fleuve asséché
Un bateau Pinasse échoué au milieu du fleuve asséché. Photo : Ousmane Makaveli Traoré/ International Alert

Boubacar Kemesso est père de 11 enfants. Sa famille vit essentiellement de la pêche, de l’agriculteur et de petits commerces. En tant que gestionnaire d’eau, il gère une convention qui permet de délimiter l’exploitation des espaces d’eau entre les agriculteurs et les pêcheurs. Néanmoins, la crise sécuritaire au Mali et les groupes armés ont fragilisé de nombreuses régions du pays, ont compromis les efforts de gouvernance et ont limité aux communautés leur droit à la gestion de la terre et de l’eau.

En tant que membres du Forum WPS, Ousmane et Boubacar ont participé à l’organisation d’espace de dialogue autour de la bonne et paisible gestion des ressources naturelles. Ces espaces de dialogue ont permis de traiter les problèmes spécifiques à la commune de Konna. Dans le cadre du Forum WPS, Ousmane et Boubacar ont été formés à la prévention et la gestion des situations conflictuelles liées aux ressources naturelles et pour mettre en place des campagnes de sensibilisation à l’utilisation économique de l’eau dans leurs communautés. 

Néanmoins, Ousmane explique que plus d’actions sont nécessaires pour compléter le projet WPS dans la région, car les communautés sont de plus en plus confrontées à des défis majeurs pour pérenniser leurs moyens de subsistance, dans une zone où l’insécurité ne cesse d’augmenter. Selon lui, il y a un réel besoin de plus de formations, de matériels d’adaptation aux stress environnementaux, d’aménagements du territoire avec des périmètres maraichers. De plus, il est indispensable de financer la création d’emploi pour les jeunes dans le secteur de la protection des ressources naturelles.

Il est important de réfléchir à des sources de financement comme celui des Activités Génératrices de Revenus à la fois pour les jeunes et les femmes. Cela permettra de lutter contre le chômage mais formera également de nouveaux experts aux stress environnementaux et à l’aménagement des petits périmètres irrigués villageois pour l’autosuffisance alimentaire et l’adaptation au changement climatique.

Ousmane Coulibaly, Chef Sous-Secteur Agriculture de Konna 
Des femmes de Konna revenant du fleuve après avoir lavé les vêtements du foyer.
Des femmes de Konna revenant du fleuve après avoir lavé les vêtements du foyer. Photo : Ousmane Makaveli Traoré/ International Alert

Il y a également une importance réelle à intégrer les femmes dans le processus décisionnel car elles sont l’un des groupes les plus touchés par le changement climatique. Le tarissement du fleuve a négativement impacté les femmes, dont la survie et celles de leurs familles est intrinsèquement liée à leurs activités génératrices de revenus rendues possibles grâce au fleuve. Ainsi, durant la décrue et l’assèchement de la rivière, les tâches du quotidien sont plus difficiles à achever et un accès rapide et sûr à un point d’eau n’est plus garanti. Dans ce contexte incertain, le Forum de dialogue soutenu par WPS a pour rôle d’offrir un espace sûr et inclusif pour la participation des femmes dans chaque processus décisionnel.

Hamidou Niapogo Point Focal Alert animant une session de dialogue entre les acteurs à Konna
Hamidou Niapogo Point Focal Alert animant une session de dialogue entre les acteurs à Konna. Photo : Ousmane Makaveli Traoré/ International Alert