Les pêcheurs et pinassiers de Mopti : Leurs outils de résistance face à l’assèchement du fleuve
Mopti est un centre urbain situé dans la région du Delta Intérieur du Niger à plus de 600km de la capitale Bamako. La commune se distingue par sa localisation qui se trouve entre le fleuve Niger et son affluent, le Bani, au milieu de la plus grande zone humide d’Afrique de l’Ouest.
L’économie de la ville repose principalement sur des ressources provenant de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche. Mais le manque de gestion équitable et durable, contribue à l’extrême vulnérabilité de la région au changement climatique et à ses conséquences. En effet, l’exacerbation des variabilités climatiques, et la baisse durable des pluies dans toute la région a entrainé des modifications des régimes du fleuve. Cela a, à son tour, durement frappé les populations de Mopti qui vivent surtout des cultures pluviales et du pastoralisme et qui sont peu soutenus par les pouvoirs publics.
Originaire de Mopti, Tiema Djenepa est membre du Forum de dialogue du consortium Water, Peace and Security (WPS). Il est vice-président de l’Association des Pinassiers Touristiques de Mopti dont l’objectif et de faire découvrir aux riverains et touristes la ville de Mopti en bateaux Pinasses qui sont des pirogues en bois adaptées aux conditions locales.
Tiema fait partie de la communauté musulmane Bozo. Les Bozos sont un groupe ethnique de pêcheurs qui pratiques un semi-nomadisme de pêche saisonnière. Experts des eaux du fleuve Niger, les Bozos ont vu leurs activités être freinées par le changement climatique et l’ensablement du fleuve. De plus, la crise sécuritaire a fait stopper le tourisme et a obligé les pinassiers de Mopti à se reconvertir dans une autre profession. Tiema fait actuellement de la pêche grâce à la méthode des filets et continue de faire voyager des riverains sur sa pinasse qui est devenue un transport en commun. Sa femme, quant à elle, a ouvert un petit commerce pour apporter un complément de revenus.
Les pinassiers ont ainsi réussi à développer des capacités d’adaptation pour faire face aux conditions climatiques difficiles de la région et au manque de réactivité de la part des autorités gouvernementales. Ils ont notamment appris à utiliser des techniques de pêche qui leur permettent de pêcher dans des eaux peu profondes et souvent troubles, telles que les zones marécageuses et les rivières du delta du Niger.
Cependant, la reconversion des pinassiers touristiques de la ville en pêcheurs n’a pas été positivement accueillie par les précédents pêcheurs déjà installés sur plusieurs générations. L’augmentation du nombre de pêcheurs a rendu la concurrence plus rude et le poisson est maintenant une denrée rare. Ce qui ne permet plus aux pêcheurs de vivre de leur métier. Les pêcheurs de Mopti ont donc également développé des stratégies pour diversifier leurs revenus en cultivant des légumes et en élevant des animaux, ce qui leur permet de faire face aux fluctuations de la disponibilité de poissons mais qui crée aussi de nouvelles tensions avec les agriculteurs qui voient les terres fertiles se faire de plus en plus rares.
Notre principale préoccupation est le risque élevé de famine si cette situation continue
Tiema Djenema, vice-président de l’Association des Pinassiers Tourististiques de Mopti
De plus, la désertification est perçue par les communautés comme étant un des plus grands risques dont ils font face au Mali. Car les cours d’eau tarissent vite et les activités économiques des populations sont de plus en plus perturbées par la limitation à la navigation du fait des marées changeantes, de l’assèchement du fleuve mais également de l’insécurité et de la pollution de l’eau.
C’est pourquoi Tiema Djenema appuie sur l’importance de faire participer tous les habitants et les voix marginalisées de Mopti à des rencontres de sensibilisation sur la protection de l’environnement, et à davantage impliquer les autorités traditionnelles dans la résolution et la gestion des conflits.
Nous privilégions le dialogue comme instrument de règlement de conflit. Le dialogue a permis de résoudre les conflits entre pinassiers et pêcheurs de la ville de Mopti.
Tiema Djenema, vice-président de l’Association des Pinassiers Tourististiques de Mopti
A Mopti, le Forum WPS s’est donc focalisé sur la mise en place d’un cadre de concertation pour garantir la communication directe entre les pinassiers, les pêcheurs et les agriculteurs pour la résolution et la prévention des conflits entre les groupes, ainsi que la gestion durable de l’eau. Structuré en deux parties distinctes, le forum a, dans un premier temps, permis de rassembler les acteurs clés de l’économie de Mopti qui sont les pêcheurs, pinassiers mais aussi agriculteurs qui sont chargés de la gestion des ressources naturelles. Le forum leur a permis de se rassembler une fois par mois afin d’identifier les problèmes liés à la gestion du fleuve et de son affluent et les acteurs ont pu par la suite formuler des exigences et proposer des solutions pour améliorer la coopération.
Le Forum a ensuite initié les parties prenantes aux méthodologies d’analyse de conflit pour mieux comprendre les défis complexes et interdépendants mêlant changement climatique et sécurité à Mopti.
Les dialogues mis en place par le Forum WPS pour la coopération entre les différents corps de métier vivant des ressources offertes par le fleuve, a permis d’améliorer les relations entre pinassiers, pêcheurs et agriculteurs. Ces efforts ont abouti à un dialogue continu entre les parties prenantes fournissant une plate-forme pour la prévention et résolution des conflits. Ils ont permis de discuter de manière ouverte et transparente des meilleures pratiques de pêche et des limites de prélèvement pour contribuer à la protection des ressources en eau et à maintenir leur durabilité sur le long terme. Le Forum a maintenant pour ambition de continuer son travail à une plus grande échelle pour le renforcement de la transparence et de la responsibilité des autorités locales et des organisations de la société civile en matières de gestion et partage des ressources.