Les abus d’État c'est la principale cause de l’extrémisme violent en Sahel central
Un récent rapport de International Alert révèle que la montée de l’extrémisme violent au Sahel s’explique essentiellement comme une réaction contre l’incapacité des États d’assurer la sécurité et la fourniture de services publics de base, loin donc de toute idéologie d’inspiration religieuse.
S’appuyant sur de nombreux entretiens avec les communautés peules au Burkina Faso, au Mali et au Niger, cette étude explore les raisons pour lesquelles les jeunes décident ou non de rejoindre un groupe armé.
Les abus d’État et la corruption généralisée y apparaissent comme les principaux facteurs déclencheurs du ralliement de certains jeunes Peuls aux groupes armés.
Selon Marco Simonetti, directeur régional Afrique de l’Ouest pour International Alert : « L’expérience ou la perception d’abus commis par les autorités gouvernementales, souvent en toute impunité, a engendré des frustrations dont profitent les extrémistes violents. Ces groupes exploitent les critiques contre la corruption étatique pour inciter les communautés à épouser un autre modèle social et politique inspiré de la charia. En réalité, le djihad mondial exerce un attrait bien moindre que la détention illégale d’un proche, les difficultés d’accès aux pâturages ou le désir de reconnaissance sociale au sein du village. »
Les résultats de l’étude montrent également un manque total de confiance des communautés locales envers les forces de défense et de sécurité, ce qui constitue une sévère mise en garde envers une approche du « tout-sécuritaire » utilisée pour lutter contre l’extrémisme violent dans la région.
Ce rapport révèle que, dans un contexte de pauvreté et de chômage généralisés, améliorer leur statut social au sein de la communauté constitue pour les jeunes une motivation plus grande pour rallier les groupes armés que l’appât du gain au sens strict. Cela s’explique par la stigmatisation sociale très marquée du chômage dans l’ensemble de la région. Cependant, l’appartenance à un groupe extrémiste violent ne se traduit pas nécessairement par un enrichissement personnel.
Comme en témoigne une personne interrogée au Niger : « Le chômage des jeunes est un problème majeur dans notre communauté (…) C’est le mobile principal de l’adhésion des jeunes aux groupes armés. »
Et un responsable de la société civile nigérienne d’ajouter : « La partialité de la justice et l’impunité créent plus de frustrations que le djihadisme. »
Plus précisément, ce rapport alerte sur le rôle de la Force conjointe du G5 Sahel. Le déploiement de cette force de lutte contre le terrorisme émanant de cinq armées régionales et soutenue financièrement et politiquement par des acteurs internationaux risque sérieusement d’aller à l’encontre de ses ambitions de réduction de la violence, et au contraire de porter préjudice à la stabilisation régionale et au bien-être des populations.
Les conclusions de cette recherche invitent donc les partenaires internationaux des pays sahéliens à encourager les gouvernements nationaux à rendre des comptes à leurs citoyens, à favoriser l’accès à la justice et à réduire les inégalités qui poussent les jeunes en marge de la société et dans les rangs des groupes extrémistes. Par ailleurs, elles soulignent la nécessité d’améliorer la supervision des forces armées et la création d’emplois pour les jeunes, y compris à travers une gestion efficace de la migration.
« Au vu de la montée de l’extrémisme violent au Sahel central, la communauté internationale se doit de revoir ses politiques en la matière et d’aider les États sahéliens à comprendre les causes profondes de ce phénomène et à s’y attaquer », ajoute Marco Simonetti.